Les variations climatiques

Comment sait-on aujourd'hui que le changement climatique
possède une composante anthropique?

Michel GRENON
Observatoire de Genève
27 janvier 2006, INFOREF, Liège



La notion de climat :

Pour le terrien : un ensemble de valeurs de facteurs :

TEMPERATURE
  • Température moyenne
  • Amplitude jour-nuit
  • Variation saisonnière
PRECIPITATIONS
  • Précipitations moyennes
  • Distribution annuelle
HUMIDITE
  • Hygrométrie moyenne
  • Variation saisonnière

Les climats sont définis localement (latitude, longitude, altitude), et pour une époque donnée


Les variations climatiques

Une multiplicité de causes et d'échelles de temps

Temps caractéristique

milliard d'années Evolution du Soleil + 6.5 %/Ga
20000 - 100000 a Périodes glaciaires + 2 à - 10 °C
80 - 200 a Petits âges glaciaires - 1 à - 2 °C
8 - 13 a Oscillations climatiques  
  El Niño, NAO ± 0.3 °C
2 - 3 a Eruptions volcaniques 0 à - 3 °C
100 – 1000a Activités humaines +3 à +5 °C/100a

Comment séparer les variations d'origine humaine des variations naturelles ?


La température sur Terre : le résultat d'un équilibre thermique

conférence    

Rayonnement solaire incident
1367 W/m²

Réflexion vers l'espace (albédo)
31 %

Emission thermique en IR
Jour et nuit
Equilibre thermique

Energie reçue = Energie rayonnée
238 W/m²

Température moyenne
255 K = - 18 C


Terre gelée



L'effet de serre naturel sur Terre

conférence    L'ATMOSPHÈRE TERRESTRE


transparente à la lumière solaire
de l'UV au proche Infra-rouge


opaque au rayonnement IR émis par le sol vers l'espace
  • 78 % réfléchis au sol
  • Rétrodiffusion par composant :
    H2O : 100 W/m²
    CO2 : 50 W/m²
    autres 10 W/m²
  • Effet de serre naturel :
    + 33 C (-18 C à + 15 C)


Les gaz rares contrôlent la température

L'atmosphère : un système fragile

conférence   
Refroidissement et réchauffements en degrés/jour dans l'atmosphère
DANS LA STRATOSPHÈRE

L'ozone absorbe les UV solaires
• durant le jour

Le CO2 rayonne l'énergie vers l'espace
• nuit et jour



DANS LA TROPOSPHÈRE

La vapeur d'eau H2O et le CO2 rayonnent vers le sol et l'espace
• jour et nuit

O3 : 0.3 ppm,
CO2 : 0.03 %
N2 : 78 %, inerte partout


Un déséquilibre radiatif

conference    EXCEDENT D ENERGIE

dans les zones intertropicales


DEFICIT D ENERGIE

dans les zones polaires


TRANSFERT MERIDIEN
  • circulation de l'atmosphère (2/3)
    - cycle évaporation
    - condensation
    - thermalisation des masses d'air
  • courants marins chauds et froids (1/3)
  • dérive des glaces

5 millions de milliards de Watt transféres
Sans transferts : T (pôles) = Tp – 25 C, T (équ) = Te + 14 C


L'évolution de la luminosité du Soleil

conference   

La Vie sur Terre est à mi-vie !

EVOLUTION IRREMEDIABLE


Il y a 4.5 Gyr : L = 0.75 Lp
  • Soleil initial faible
  • Terre non gelée grâce à pCO2 très élevée
Dans 6.0 Gyr : L = 3.50 Lp
  • La Terre quitte la zone habitable Ts excède 110°C
  • mais depuis plusieurs Ga :
    - sans CO2 (photosynthèse stoppée)
    - sans continents émergés
Faute de recyclage du CO2 par les volcans, et des chaînes de montagnes par la tectonique de plaques (volcanisme éteint)


Evolution du climat de la Terre

Baisse par paliers de pCO2 :

     de 10 – 20 bars à 0.03 %


Glaciations majeures dès –2.3 Ga

    - glaciation entre –750 et –580 Ma
    - glaciation entre –350 et –270 Ma
    - effet de tectonique des plaques



conférence        
Hausse de la luminosité du Soleil

     + 6.5 % par milliard d'années

conférence

Température initiale 90 – 110°C
55°C vers –3.5 Ga
0°C vers –2.3 Ga

Compensation entre baisse de l'effet de serre par le CO2 et hausse de la luminosité solaire entre –2.3 et –0.5 Ma. Hausse inexorable ensuite.


Des climats avec ou sans glaciations

conférence     
Variations du climat global depuis 600 Ma
AVEC GLACIATIONS

Masses continentales à hautes latitudes
Ex. glaciations carbonifères : Gondwana au Pôle Sud





SANS GLACIATIONS

Pôles océaniques, Ts = 0°C


Effet de tectonique de plaques

Impact sur la vie des transitions :
Extinctions des espèces marines
O/S 85%, P/T 91%


Glaciations quaternaires

Depuis 2.4 Ma, tous les 100 000 ans mais avec des ratés


L'évolution récente de la teneur en CO2

conférence     
Reconstitution du taux de CO2 en unité du taux actuel (0.03 %) depuis 600 Ma
DANS L ATMOSPHÈRE

Le CO2 est absorbé par le vivant, et recyclé par l'activité volcanique
• il est minimum durant la formation de supercontinents
• maximum durant leur démembrement

expansions océaniques :
    - post Rhodinia (-550 Ma), CO2 x 18
    - post Gondwana (-250 Ma), CO2 x 6

pCO2 x 10 : Tsol + 10 °C

La vie a survécu à des variations majeures du taux de CO2

Mais avec des espèces différentes !


Le contrôle astronomique du climat

conférence      VARIATION DE L' EXCENTRICITE

Perturbations de l'orbite terrestre par Jupiter et Saturne
Deux périodes :
P1 : 413 000 ans
P2 : 100 000 ans

Module la durée des saisons et l'énergie solaire reçue au cours de l'année
Imax / Imin = 1.020 à 1.246


VARIATION DE L' INCLINAISON


Perturbation luni-solaire

Une période :
P3 : 41 000 ans

Module le contraste des saisons
i = 0 : pas de saisons

 

conférence      PRECESSION DES EQUINOXES

Perturbations luni-solaire

Deux périodes :
P4 : 23 000 ans
P5 : 19 000 ans

Décalage lent des dates de passage au périhélie et aphélie (7 janvier – 5 juillet)

Module la sévérité des hivers et la chaleur des étés

La chaleur des étés contrôle la fusion des neiges et glaces


Le contrôle astronomique à long terme

conférence     
EFFETS COMBINES




Variations :


- de l'excentricité de l'orbite terrestre (a)








- de l'inclinaison de l'axe de la Terre (b)








- de la date du périhélie (précession) (c)








- de l'insolation estivale résultante (d)


entre 60 et 70° N (430 – 540 W/m²)

durant les derniers 500 000 ans


Les glaciations quaternaires

conference     
Températures et concentrations du CO2 et CH4 atmosphériques mesurées dans les glaces antarctiques
UN RYTHME ASTRONOMIQUE



Une extension maximale tous les 100 000 ans (excentricité de l'orbite), avec oscillations de période :

- 41 000 ans (inclinaison de l'axe)
- 19 000 et 23 000 (précession)


Phénomène amplifié par :

- la dissolution du CO2 et CH4 dans l'eau de mer (- 30 % dans l'air)
- la diminution de l'effet de serre par H2O (- 50 % aux latitudes moyennes)


Interglaciaires brefs :

- durée 10 000 – 20 000 ans

Amplitude de température :
+ 2 à – 8 degrés


Le spectre de puissance de T, pCO2 et pCH4

 conference

Spectre de puissance (fonction de la fréquence en unité 1/an), de la température de l'air Ta et des concentrations atmosphériques en CO2 et CH4. Les facteurs astronomiques seuls rendent compte de 75 % des variations climatiques à long terme.


Les effets des glaciations quaternaires

conférence      L'EXTENSION DES GLACES ET DU PERGÉLISOL


Etat vers – 18 000 ans et actuel



GLACIERS

de 70 N (Islande)
à 50 N (Alpes, Pyrénées)



PERGÉLISOL

de 65 N (Scandinavie, Sibérie) à 45 N (Europe Centrale, Caucase)


Le bassin du Rhône en 14 000 av. J.-C.


conférence

Retrait entamé mais Sion (VS, Suisse) est encore sous 1800 m de glace.


Les variations à moyen terme

conférence     

conférence     
CLIMAT POST-GLACIAIRE

avant 10 000 BP, épisode Dryas


OPTIMUM CLIMATIQUE

Episode atlantique
9 000 – 5 500 BP


PHASE NEOGLACIAIRE

Dès 7 000 BP


MAIS AVEC OSCILLATIONS

Amplitude ± 0.7 °C


LIMITE DES ARBRES
en Scandinavie
Amplitude ± 100 m


Un réchauffement par paliers

conférence
conférence
RECHAUFFEMENT IRREGULIER

minimum entre 1788 – 1818
minimum vers 1910
pic vers 1945
baisse 1955 – 1980
















CROISSANCE MONOTONE

du taux de CO2 depuis le début
de l'ère industrielle (1740)



AUTRES FACTEURS EN JEU


Le Soleil, une étoile magnétique

conférence      CHAMP MAGNÉTIQUE VARIABLE

lié au plasma
Rotation différentielle
Prot = 25 j (équateur)
Prot = 35 j (pôles)



conférence      INVERSION DE POLARITE

tous les 8 – 11 – 13 ans
selon l'activité solaire





ACTIVITE VARIABLE MULTIPERIODIQUE


Les taches et le flux X-UV

conference
En lumière visible :
- les taches sont sombres
- un transit de taches fait baisser la luminosité de 0.1-0.2 %


conférence
En lumière UV et X :
- les facules sont brillantes
- le siège d'émission de particules
conférence

Au cours du cycle solaire, la variation d'énergie est de 0.1 % en VIS et IR, de ~ 5 % en UV-C et de 100 à 1000 % en rayons X, voire de 100 000 en X durs en cas d'éruption solaire.
Le flux UV module la production d'ozone dans la stratosphère, donc la structure thermique de l'atmosphère.


L'hélio sphère et les cosmiques

conférence

Dans l'hélio sphère, au maximum d'activité solaire :

- la densité des particules est la plus élevée
- le champ magnétique interplanétaire est maximum
- les rayons cosmiques mous (50 – 1000 MeV) sont en partie défléchis vers l'espace

conférence

Le Soleil au maximum d'activité (1980) :

- les arches magnétiques s'ouvrent vers l'espace
- le champ magnétique est emporté avec les particules du vent solaire (p, He, e)


Les effets des rayons cosmiques

Les cosmiques sont assez énergétiques pour briser les atomes de 16O et 14N
Cosmiques + 16O ou 14N 10Be* et 14C*

conference      Le carbone 14C*
- est oxydé en CO2
- entre dans le cycle du carbone
- taux de production mesuré dans les cernes des bois datés par dendrochronologie)


Le beryllium 10Be*
- précipite en 2.5 ans comme oxyde avec les précipitations
- titré dans les calottes polaires


Anticorrélation
- le nombre de taches solaires depuis 1610
- la production de 10Be* dans l'atmosphère
- Actuellement : haute activité solaire et
- production minimale de 10Be* et 14C*

Effets directs : ionisation de la haute et moyenne atmosphère – modulation du champ électrique, de l'activité orageuse (x2), de la nébulosité basse (3 %)


Petits âges glaciaires et optima climatiques

conference Maxima d'activité solaire

- Optimum contemporain
- Optimum médiéval 1100 – 1250
- Optima – 1500 – 5000




Minima d'activité solaire

- Minimum de Dalton 1788 – 1818
- Minimum de Maunder (PAG) 1644 – 1715
- Minimum de Spörer 1450 – 1530
- Minimum du VIIIe siècle av. J.-C.

Les anomalies de production du 14C déduites des cernes des arbres, après correction de la décroissance par radioactivité et des variations d'intensité du champ magnétique terrestre qui module le flux de cosmiques entrants.


Activité solaire et température

conference     



OBSERVATIONS






Une corrélation étroite entre

- production de 10Be
- variation de température

- avec des résidus
- et plus vrai dès 1970



De l'observation à la prédiction

conférence      L'activité solaire reconstituée de 1500 à 2000 :

- minimum de Maunder (1644-1715)
- minimum et Dalton (1788-1818)
- maximum contemporain

Un signal multipériodique :

P1 11 ans A1 = 0.1 W/m² Cycle solaire classique
P2 88 ans A2 = 0.5 W/m² Cycle de Gleissberg
P3 210 ans A3 = 0.9 W/m² Cycle de Suess



Explications – Prédiction

- minimum de 1905, maximum de 1950, plateau de 1965 – 1985
- maximum en 2040, minimum en 2080
     conférence


Du Petit Age Glaciaire au XX siècle

conférence    conférence

Le glacier de Grindelwald (Suisse) en 1765 et vers 1950


Les aérosols volcaniques

conference    ERUPTIONS PLINEENNES

Emission de cendres, d'H2SO4 et CaSO4 dans la stratosphère



UN PHENOMENE RARE

Eruption Date
Santorin (Grèce) -1620
Huaynaputina (Pérou) 1601
Tambora (Indonésie) 1815
Krakotoa (Indonésie) 1883
Katmai (Alaska) 1912
El Chichon (Mexique) 1982
Pinatubo (Philippines) 1991
     conférence


Les effets climatiques des éruptions

  • Réflexion vers l'espace de l'énergie solaire par les cristaux H2SO4 et CaSO4
  • Destruction de l'ozone dans les régions polaires

conférence

ABSORPTION ATMOSPHERIQUE

L'absorption atmosphérique à La Silla (Chili), entre 1978 et 1998. Un excès de 0.08 magnitude, soit 9 % d'énergie solaire en moins, est dû au Pinatubo. Le temps de résidence des particules est de 2.5 ans.

conférence
CHUTE DE L'OZONE en Antarctique

Eruption + 6 mois : ∆T = - 0.60°C
Eruption + 15 mois : ∆T = - 0.35°C
Eruption + 30 mois : ∆T = 0.00°C


L'oscillation australe El Niño

conférence

conférence

Phénomène El Niño : changement climatique dans le Pacifique et l'Océan Indien consécutif au transfert massif d'eau chaude (6000 km en 2 mois) vers les côtes de l'Amérique du Sud.

Une oscillation apériodique (4-7-10 ans) du régime des alizés.


L'effet global du Niño

conférence   
Phase El Niño : Température de surface +4°
Phase La Niño : Température de surface –4°


conférence

Sur 15 ans de mesures intégrées de la température de la Terre, la dérive séculaire est complètement masquée par les effets des éruptions volcaniques (-0.5 à –0.7°) et par le réchauffement/refroidissement de l'atmosphère sur les eaux du Pacifique.



Variations naturelles et anthropiques

L'évolution naturelle des températures est la somme de trois composantes
ΔT Nat = ΔT Soleil + ΔT ENSO + ΔT Volcans

conférence

trait : activité solaire
points : effet Niño – Niña
rouge : éruptions volcaniques
conférence

L'évolution observée (trait continu) est exactement prédite jusqu'en 1950

Divergence croissante ensuite


La contribution anthropique

conférence

Le résidu (observé – calculé) montre une hausse lisse de T, proportionnelle à celle des teneurs ne CO2 et CH4 dans l'atmosphère.

La contribution humaine au réchauffement global est inférieure à 0.1°C avant 1950. En 2000, elle atteint +0.6°, soit la moitié du réchauffement depuis le Petit Age Glaciaire.
Au XXIe siècle, elle sera prépondérante sur tous les effets naturels.
conférence

Une augmentation probable de la température de l'air pour 2100 est de :

ΔT air(2100) = + 3.5°C

compte tenu de l'épuisement des énergies fossiles.



Les anomalies contemporaines

conférence

CO2 : Hausse brutale


équivalente à celle d'une glaciation majeure, mais de signe contraire. La concentration en CO2 a dépassé tous les maxima observés en 750 ka.
conférence

Température

Pic multimillénaire

Conséquence
Evolution climatique plus rapide que les capacités évolutives des espèces (homme : 1 mutation non létale/Ma).

Sixième extinction majeure en route.


Un réchauffement durable

conférence     


EVOLUTION SECULAIRE



Avec stabilisation à
2 x CO2 (1750) en 2050 :


• dT(final) = +4.0°C



Avec stabilisation à
3 x CO2 (1750) en 2100 :


• dT (final) = +6.5°C




Inertie thermique et dégazage des océans