Ce que révèlent les glaces polaires sur le climat d’hier et ... de demain

Prof. Reginald LORRAIN, Université Libre de Bruxelles
Liège, le 27 janvier 2006




Quel rapport y-a-t-il entre glaces polaires et climat du passé, mais aussi de l’avenir?

La prédiction climatique repose entièrement sur des modèles mathématiques;
ceux-ci nécessitent des conditions initiales et aux limites précises.
Les glaces polaires sont des archives climatiques dont l’analyse fournit des données quantitatives sur le comportement naturel du système climatique;
ces données permettent d’alimenter les modèles,
elles permettent aussi de les tester.

Plan de l'exposé:

Pourquoi les glaces polaires constituent-elles des archives climatiques ?
Comment extrait-on l’information archivée dans les glaces polaires ?
Que nous enseignent les sondages glaciaires polaires ?
Quelles transformations de l'environnement nous permettent-ils d'envisager pour l'avenir ?


  

   Pourquoi les glaces polaires constituent-elles des archives climatiques ?

Vue schématique de l’écoulement de la glace au sein d’un inlandsis reposant sur un lit horizontal. Les couches de glace sont graduellement étirées et donc de plus en plus amincies au fur et à mesure de leur enfouissement.

Les couches situées près du lit au centre sont les plus anciennes qui soient bien conservées.

 

La composition isotopique des molécules d’eau de la glace et sa relation à la température

 

La datation de la glace

   

 

Datation du sondage de Milcent (Groenland)

 

Le sondage de Vostok

   

 

Paramètres mesurés dans le sondage de Vostok (1)

 

Lame mince de glace de glacier polaire photographiée en lumière polarisée

   
Collection Glaciologie ULB

 

Paramètres mesurés dans le sondage de Vostok (2)

 


  Comment extrait-on l’information archivée dans les glaces polaires ?

Localisation des principaux sondages glaciaires profonds dans les inlandsis


J. Jouzel et al. La Recherche, N°261

 

Le site de forage NorthGRIP en juillet 2000

 

Maquette de la tranchée de forage du sondage GRIP

 

Le carottier de sondage glaciaire profond

 

La tranchée de forage du sondage NGRIP en juillet 2000

 

Détail d’une carotte de glace à sa sortie du carottier NGRIP

 

Un tronçon de carotte de 3 m de long extrait au sondage NGRIP

 

Découpage longitudinal pour échantillonnage d’une carotte du sondage NGRIP


 

Tronçons de carotte du sondage NGRIP préparés pour leur transfert vers les laboratoires d’analyse européens



  Que nous enseignent les sondages glaciaires polaires ?


Comparaison des signaux isotopiques dans divers sondages

 

Localisation des principaux sondages glaciaires profonds dans les inlandsis


J. Jouzel et al. La Recherche, N°261

 

Comparaison des signaux isotopiques du dernier cycle glaciaire

 

Dernier cycle climatique de Vostok, détails de quelques paramètres

 

Variations temporelles des précipitations au cours du dernier cycle glaciaire

 

Validité des mesures des concentrations de gaz de la glace pour reconstituer l’atmosphère du passé.

 

CO2 et CH4 dans le sondage VOSTOK

 

Explication de la co-variation [gaz]-t°: la pompe biologique

Baisse de l’insolation (conditions astronomiques)
Baisse de la température de l’atmosphère et de l’océan
Augmentation de la solubilité du CO2 dans l’océan
Baisse de la concentration du CO2 dans l’atmosphère
Accentuation de la baisse de la température de l’atmosphère et de l’océan
Raréfaction de la végétation continentale
Augmentation de la teneur en poussières de l’atmosphère (Fe)
Prolifération du phytoplancton
Consommation du CO2 dissous dans l’océan
Baisse de la concentration du CO2 dans l’atmosphère
Nouvelle accentuation de la baisse de la température de l’atmosphère et de l’océan

 

Importance des boucles de rétroaction positive:

Ensemble, le CO2 et le CH4 sont responsables d’environ 40% de l’augmentation de température déclenchée par l’augmentation de l’insolation

Le phénomène inverse se produit quand les conditions astronomiques initient un réchauffement par augmentation de l’insolation

 

Les variations rapides du climat:


un phénomène particulièrement clair dans le sondage GRIP, permettant une étude détaillée

 

L’évolution de la température depuis le dernier interglaciaire révélée par le sondage GRIP

 

Détail d’un épisode de variation brutale de la température au dernier interglaciaire (sondage GRIP)


Cette baisse de d18O correspond à une baisse de température d’environ 10°C

 

Variations rapides

Les variations brutales des périodes froides sont explicables notamment par l’instabilité des inlandsis.

Mais celle(s) d’une période interglaciaire (légèrement plus chaude que notre époque) contraste considérablement par rapport à la période holocène (les 10 derniers millénaires).

Il y a un risque que l’information soit biaisée et donc fausse. Etant donné que le température du 21ème siècle pourrait atteindre ou dépasser celle de l’interglaciaire en question, il est très important de confirmer l’information.

 

Pour pallier les incertitudes

Les glaciologues ont réussi à faire passer l’idée que la réponse est en partie dans une étude plus fine des «archives glaciaires»

D’où un méga programme européen de sondage en cours dans la calotte glaciaire antarctique auquel participe le Laboratoire de Glaciologie du l’ULB:  
EPICA* (~ 40 M € soit 1,6 G FB)
* European Project for Ice Coring in Antarctica

 

Localisation des principaux sondages glaciaires profonds dans les inlandsis


J. Jouzel et al. La Recherche, N°261

 

Le site du sondage EPICA au Dôme C

   

 

La "bibliothèque climatique"

 

Le "service des archives climatiques"

  

 

L’évolution de la température à EPICA DC comparée à celle d’autres sondages

 

Reconstituer l’évolution climatique du dernier million d’années

 

L’Amérique du Nord et l’Europe entre 17000 et 20000 BP

 

Premières conclusions

Les archives glaciaires prouvent que le climat a toujours fluctué,
mais aussi que ces fluctuations ont été d’ampleurs très variables.

On reconnaît les différentes périodes glaciaires et interglaciaires qui se sont succédées dans les derniers 800 000 ans et leurs irrégularités internes

Mais les derniers 10 000 ans n’ont connu que des fluctuations très modérées.


  Quelles transformations de l'environnement les modèles climatiques permettent-ils d'envisager pour l'avenir ?

Jamais, depuis plus de 400000 ans, la concentration en gaz à effet de serre n’a été aussi élevée qu’aujourd’hui;
C’est la conséquence de l’activité humaine.


CO2 Vostok prolongé jusqu’en 2100

 

 

IPCC, 2001 T°

La température à la surface de la terre a augmenté d’environ 0,6°C par rapport aux mesures de température directes (1860–2000, graphique supérieur) — une augmentation sans précédent pour l’hémisphère Nord pendant le dernier millénaire, si l’on se réfère aux données de température indirectes dont on dispose (graphique inférieur).

Dans le graphique supérieur, la température moyenne mondiale à la surface est indiquée année par année (barres rouges avec fourchette très probable sous forme de lignes filiformes noires) et approximativement décennie par décennie (ligne rouge continue). Les analyses tiennent compte des données manquantes, des erreurs aléatoires et des incertitudes des mesures, des incertitudes pour la correction de justesse des températures à la surface des océans, et des ajustements pour l’urbanisation des terres. Le graphique inférieur réunit des données indirectes (ligne bleue année par année avec fourchette très probable sous forme de bande grise, ligne violette moyenne pour cinquante ans) et des mesures de température directes (ligne rouge) pour l’hémisphère Nord. Les données indirectes sont celles fournies par les cernes d’arbres, les coraux, les carottes de glace, et des données historiques étalonnées par rapport à des données thermométriques. Il n’y a pas suffisamment de données pour permettre l’évaluation de ces changements dans l’hémisphère Sud.

Troisième rapport d’évaluation du GIEC, 2001

 

IPCC, 2001
T° 1860-2000

Figure RID–2: La simulation des variations des températures de la terre (°C) et la comparaison des résultats avec les changements mesurés peuvent fournir des indications sur les causes sous-jacentes des changements majeurs.

On peut utiliser un modèle climatique pour simuler les variations de température d’origine naturelle et anthropique. Les simulations représentées dans la zone dans (a) ont été effectuées uniquement avec des forçages naturels: variation solaire et activité volcanique. Celles comprises dans la zone de (b) ont été effectuées avec des forçages anthropiques : gaz à effet de serre et estimation des aérosols sulfatés. Enfin, celles comprises dans la zone de (c) associent les forçages naturels et anthropiques. (b) permet de constater que l’inclusion des forçages anthropiques fournit une explication plausible pour une partie importante des variations de température observées au cours des cent dernières années; mais c’est (c), qui associe les facteurs naturels et anthropiques, qui correspond le mieux aux observations. Ces résultats montrent que les forçages inclus suffisent pour expliquer les variations observées, sans toutefois exclure la possibilité d’intervention d’autres forçages.

Troisième rapport d’évaluation du GIEC
http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf

 

IPCC, 2001
T° 1000-2100

Figure RID–10b : Variations de la température à la surface de la terre: période 1000-2100.

Les variations des températures moyennes à la surface de l’hémisphère Nord pour la période 1000–1860 sont représentées (des données correspondantes pour l’hémisphère Sud ne sont pas disponibles) reconstituées à partir de données indirectes (cernes d’arbres, coraux, carottes glaciaires et données historiques). La ligne indique la moyenne de cinquante ans, la partie grise la limite de confiance de 95 % dans les données annuelles. De 1860 à 2000, les variations des observations des températures moyennes mondiales et annuelles à la surface obtenues par relevé instrumental sont indiquées ; la ligne représente la moyenne décennale. De 2000 à 2100, les projections des températures moyennes mondiales à la surface sont indiquées pour les six scénarios d’illustration du RSSE et IS92a utilisant un modèle avec une sensibilité du climat moyenne. La partie grise intitulée «plusieurs modèles totalité de l’enveloppe RSSE » représente la fourchette de résultats obtenus avec l’ensemble complet des 35 scénarios du RSSE en plus de ceux obtenus à partir de modèles avec des sensibilités du climat différentes.

Troisième rapport d’évaluation du GIEC
http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf

 

Variations du niveau de la mer prévisions IPCC 2001

Figure TS 24 : Elévation moyenne mondiale du niveau de la mer, de 1990 à 2100 pour les scénarios du SRES.

L’expansion thermique et les variations de la glace terrestre ont été calculées à l’aide d’un modèle de climat simple étalonné séparément pour chacun des sept MCGAO, auquel ont été ajoutées les contributions dues aux variations du pergélisol, à l’effet des dépôts de sédiments et à l’ajustement à long terme des nappes glaciaires aux changements climatiques passés. Chacune des six lignes figurant dans la légende représente la moyenne des MCGAO pour l’un des six scénarios illustratifs. La zone sombre représente la plage de la moyenne des MCGAO pour les 35 scénarios du SRES. La zone à coloration plus claire représente l’ensemble des MCGAO pour les 35 scénarios du SRES. La zone délimitée par les lignes extérieures représente l’ensemble des MCGAO et des scénarios, y compris l’incertitude concernant les variations de la nappe glaciaire, les variations du pergélisol et les dépôts de sédiments. A noter que cet ensemble ne prévoit pas d’incertitude concernant les variations de la dynamique de la glace dans la nappe glaciaire de l’Antarctique Ouest.

Troisième rapport d’évaluation du GIEC
http://www.ipcc.ch/pub/un/syrfrench/spm.pdf

 

Le sud de la Mer du Nord en cas de fusion de l’inlandsis groenlandais

Etendues situées sous le niveau de la mer, qui seraient inondées en l'absence de protection (bleu)

En haut: situation actuelle

Au milieu, situation correspondant à une hausse de 1m du niveau de la mer

En bas, hausse de 8m, qui pourrait être atteinte en l'an 3000 dans un scénario climatique moyen.

Source: UCL, département de Géographie.

 

Conclusions finales

L’étude des «archives glaciaires» est un des moyens qui permettent de « caler » les modèles climatiques prédictifs.

Tous ces modèles indiquent un net réchauffement climatique s’accentuant au cours du 21ème siècle.

L’examen des irrégularités climatiques du passé indique que les influences humaines pourraient rompre la stabilité climatique qui a favorisé le développement de l’humanité pendant les derniers 10000 ans

Selon E. Bard (Collège de France), les modélisateurs parlent à ce sujet de « low probability for a high impact risk »
Cette probabilité varie entre 0,0 et 0,3

Qui prendrait un avion dont les chances d’accident s’élèveraient à 30% ?

 





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