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Capricieuse dans
ta jolie robe blanche, Réalisation du Petit Séminaire de Saint-Roch Céline RADOUX - Joanne HIRT- Année académique 1999 - 2000
MARCEL PAGNOL, fils de Joseph et d'Augustine, est né le 28 février 1895 à Aubagne. En 1897, la famille de Pagnol s'établit à Saint-Loup, dans la banlieue de Marseille. En 1900, les Pagnol habitent en plein centre de Marseille, aux Chartreux. Germaine Pagnol naît en 1902, ce qui oblige la famille à déménager une nouvelle fois pour s'installer rue Terrusse. En 1909, Marcel voit naître le dernier enfant, René. Un an plus tard, Augustine meurt d'une congestion pulmonaire. En 1913, Marcel obtient son baccalauréat en philosophie. A l'âge de 21 ans, il se marie avec Simone Collin. Un an plus tard, il est nommé professeur adjoint et en 1922, il rejoint le lycée Condorcet à Paris. C'est en 1923 qu'il se met à écrire pour le théâtre. Il décide en 1927 d'abandonner l'enseignement pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Ses pièces, Marius (1929), et Fanny (1930) sont des succès. Il a une liaison avec Kitty Murphy, qui lui donne un fils, Jacques. Il quitte Paris pour Marseille en 1932, où il monte ses propres studios. Il achète, en territoire d'Aubagne, 24 hectares de terres et de garrigues, avec l'intention d'y édifier une cité du cinéma, pour y tourner ses films en plein air. Angèle (1934), César (1936), Regain (1937) et d'autres succès y seront réalisés. En 1933, naissance de Jean-Pierre, fils de Marcel Pagnol et d'Orane Demazis, Yvonne Pouperon sera la mère de son troisième enfant, Francine, en 1935. Ses studios seront vendus à la Société Gaumont en 1942 après son divorce d'avec Simone. En 1944, il est élu président de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. La même année, il rencontre Jacqueline Bouvier, qu'il épouse un an plus tard. Frédéric, quatrième enfant, naît en 1946. Puis Marcel est élu à l'Académie Française le 4 avril 1946. Joseph Pagnol meurt en 1951. C'est aussi l'année d'un deuxième enfant du couple Pagnol-Bouvier, Estelle, qui décèdera trois ans plus tard. Marcel publie ensuite La gloire de mon père (1957), Le château de ma mère (1959), et Le temps des Secrets (1960). Il publie L'eau de collines : Jean de Florette et Manon des Sources (1962), puis se consacre à la télévision en signant plusieurs adaptations. Marcel Pagnol décède Square de l'Avenue du Bois, à Paris, le 18 avril 1974. "O Prouvènço, ma tant amado ! …" ECLAT DU PRINTEMPS,EXPLOSION
DE L'ETE,
SITUATION DE LA PROVENCE DANS L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE FRANÇAIS
L'histoire de la Provence ne se définit pas facilement puisqu'il y a en fait plusieurs Provences qui se superposent et se confondent : la Provence rhodanienne, la Provence intérieure et la Provence maritime. Le long des côtes de Provence, occupées très tôt par les Ligures, se développe l'empire maritime de Massalia (Marseille) fondé au VIème siècle A.C. par les Grecs de Phocée. Au IIème siècle A.C., la région est conquise par les Romains et forme la Provincia Romana. A la faveur d'une conquête particulièrement durable, la pénétration profonde de Rome impose une langue et des modes de vie communs à cette région qui n'a jamais encore connu une unité ethnique, politique ou culturelle évidente. Elle devient l'un des premiers foyers du Christianisme. Des monuments d'agrément ou d'utilité publique témoignent encore de nos jours que la Provence a connu la "paix romaine". Le merveilleux Pont du Gard (voir photo), qui étaient en réalité un aqueduc, est une des œuvres du génie des Romains de l'antiquité. Il exprime déjà, à cette époque, la volonté des anciens de régler la problématique de l'eau dans cette région exposée fréquemment aux sécheresses. L'aqueduc permettait d'alimenter les villes en eau.
Envahie au Vème siècle par les Barbares, elle est incorporée au royaume des Francs et passe, au XIIème siècle sous la domination des comtes de Barcelone. Au XVème siècle, la Provence devient presque entièrement française. Pendant la seconde moitié du XVIème siècle, elle est abattue par les guerres de religion et puis la terrible peste de 1580 met fin aux luttes. A la suite de la révolution française, la Provence est divisée en départements. Le cadre de la province a donc disparu avec la révolution au profit des départements. Lors d'une réforme régionale (1972), une assemblée est créée pour discuter des problèmes propres à l'avenir de la Provence. D'importants déséquilibres subsistent encore :
Plus de la moitié de la population active œuvre dans le secteur tertiaire, alors que le secteur industriel réussit mal son évolution. Sans doute la région provençale va-t-elle pouvoir, grâce à son nouveau statut, gagner une plus grande liberté politique et économique, qui lui permettra de remédier à ses déséquilibres. La personnalité des gens provençaux est riche, fonction d'une histoire complexe et d'un terroir très diversifié. Malgré sa diversité, le peuple provençal en "un", à la fois accueillant et rusé, généreux et fier, foncièrement gai mais sérieux et brave s'il le faut. Le peuple de Provence est avant tout passionné de sa terre.
Terre d'accueil et de tourisme (plusieurs centaines de milliers de touristes par an), région française la plus "une et diverse", à la fois ayant su conserver son originalité, la Provence séduit le visiteur par la variété de ses attraits. La Provence intérieure est une région rude (voir photo), dénudée, à l'eau mesurée, faite de montagnes rocailleuses et de plateaux arides, une région baignée d'une lumière fascinante. Des villages, perchés pour la plupart, s'accrochent aux rocs immuables, mais aussi des villes construites en acropoles, témoignages d'une occupation millénaire des lieux. Dans cette région, entraînée depuis la plus haute antiquité à résister aux envahisseurs, les traditions sans doute les plus pures se sont perpétuées. De très anciens rites de fécondité liés au culte des eaux survivent discrètement, à travers certaines fêtes, en ce pays de sécheresse où la moindre source, la moindre fontaine était jadis vénérée. Cette contrée est, encore aujourd'hui, un de ces lieux privilégiés où le milieu naturel miraculeusement préservé dans son aspect originel, garde vivantes certaines coutumes ancestrales. Les bergers restent les seuls hôtes de montagnes, souvent dépositaires d'un savoir très ancien (voir photo). Entouré de ce paysage coloré, où des vergers odorants et vignes aux fruits vermeils se réchauffent au rouge des terres à bauxite, où les rochers étranges offrent un spectacle fantastique (voir photo), le visiteur ne peut qu'enrichir son imagination de légendes et de contes. De nombreux poètes (Frédéric Mistral, Alphonse Daudet, …) et peintres (Cézanne, Van Gogh (voir photo)) ont trouvé leur inspiration dans ce paysage mystique.
Le climat provençal est méditerranéen, c'est évident, avec son soleil mythique, omniprésent, qui attire chaque année les foules d'estivants. Grâce à lui, les bleus du ciel et de la mer sont plus intenses, les plantes exhalent leurs parfums les pus subtils. En Provence, il brille deux fois plus souvent qu'au nord; aussi l'été est-il plus chaud qu'ailleurs, l'hiver plus doux. Mais ce tableau idyllique est incomplet; le climat provençal est doté d'une violence surprenante dans une rafale de grand mistral ou bien sous une pluie diluvienne au printemps. Le mistral, ce maître vent, est un des trois fléaux de la Provence selon le dicton. D'après les provençaux, il souffle toujours un nombre de jours multiple de trois. Il imprime sa marque au paysage, courbant les arbres sous son souffle puissant, forçant les gens à protéger leurs maisons et leurs cultures. L'ENSOLEILLEMENT Ce qui frappe, en Provence, c'est le soleil ! Cette région possède l'ensoleillement le plus fort de France (2.700 à 2.900 heures de soleil par an). Un soleil qui frappe durement les façades, les terrasses et qui oblige à une protection. L'hiver il doit entrer le plus profondément possible à l'intérieur des pièces. Mais l'été, il faut le contenir, l'empêcher de pénétrer dans la maison. Ceci conduit à une situation paradoxale : de trop grandes ouvertures seront favorables l'hiver, mais redoutables l'été. Dès la fin mai, les troupeaux quittent le bas pays pour la montagne, l'herbe se dessèche, la terre se fend, les sources se tarissent. Inutile dès lors de rêver à de mirifiques potagers; seuls vignes, oliviers et amandiers parviennent à résister au déluge du feu : durant l'été, les plantes desséchées, les grandes herbes grillées par le soleil, les arbustes aux essences très volatiles prennent feu spontanément. En un demi-siècle, ce sont plus de 500.000 hectares de forêts qui ont disparu. La lutte contre les incendies, et plus encore la prévention, deviennent les problèmes majeurs des forêts du Var. Le moyen le plus efficace pour combattre le feu est l'avion arrosant d'eau les étendues enflammées. (voir photo). " Eci l'aigo es d'or ". (Ici l'eau est d'or) La formule semble s'appliquer à toute la Provence engagée depuis toujours dans une lutte permanente contre la sécheresse. Certes beaucoup d'initiatives furent d'ordre individuel et on ne compte pas les parcelles arrosées par les puits équipés de roues à godets, baptisés ici de " 'pouso raco ". Nous connaissons tous les fameux jardins de Provence, pour qui, l'eau est le sang même. Il faut donc apprendre à la gérer, sous forme de fontaines à buffet d'eau, à pilier et à bassin, de puits, d'abreuvoir, etc… Pourtant ce furent les réseaux de canaux qui permirent véritablement de répondre aux contraintes du climat et de pallier la sécheresse estivale. Ils peuvent relever d'opérations d'envergure, comme ce fut le cas pour le Canal de Craponne et ultérieurement pour le Canal de Provence, ou concerner plus modestement un village ou un quartier. Dans presque tous les cas, leur usage est codifié par une réglementation qui fixe précisément les droits et les devoirs des arrosants regroupés en syndicats. Bien souvent, la distribution de l'eau est surveillée par un garde ou meneur d'eaux, chargé de réprimer les fraudes. Cette irrigation à profondément modifié les paysages, transformant des étendues, autrefois stériles, en vastes jardins. Contrairement à d'autres régions de la Méditerranée, l'irrigation revêt un caractère démocratique puisque le droit à l'eau est indissociable de celui de la terre. Objet de litiges et d'affrontements, l'eau est aussi un élément essentiel de la vie communautaire et de la sociabilité villageoise. LES PLUIES Il est faux de croire qu'il ne pleut jamais en Provence. Assurément, on attend désespérément la pluie, l'été quand tout est sec. En réalité, la pluie s'abat avec violence au printemps et à l'automne, provoquant ravinements et inondations. Les précipitations peuvent prendre des proportions gigantesques et catastrophiques en quelques heures. Il suffit de se rappeler le drame de Vaison-La-Romaine, en septembre 1992, où l'Ouvèze est montée de plusieurs mètres entraînant tout sur son passage (179 mm d'eau en deux ou trois heures !). Tous les provençaux ont encore en mémoire la violence de ces pluies ; une Durance pleine, des crues soudaines, des vignobles inondés, des routes coupées et des ruissellements emportant des morceaux de collines. L'extrême violence des pluies et leur soudaineté a permis de poser le problèmes d'un habitat implanté sur des zones inondables. Les anciens connaissaient parfaitement ces endroits et évitaient de construire dans des sites en creux ou avoisinant des rivières et des fleuves. Ils recherchaient d'une manière générale les sites dominants. Les problèmes de l'érosion ont toujours forcé le paysan à construire des murets de pierre qui empêchent la terre de filer dans le champ du voisin. Aujourd'hui, d'ailleurs, le défrichage intensif des collines boisées pose de réels problèmes. En conclusion, si dans sa géographie, son relief, ses paysages, la Provence est une terre de contrastes, elle l'est aussi dans ses manifestations climatiques entre pluies et sécheresse, froid et chaleur, vent et accalmie, lumière et ombre. En 1952, Marcel Pagnol dédie à sa femme Jacqueline, Manon des sources, un film réalisé à partir d'un paysan des collines d'Aubagne. Dix ans plus tard, encouragé par le succès de son film, il reprend l'histoire de Manon, dont il fait une transcription romanesque, l'Eau des collines, qui comprend deux volets : Jean de Florette et Manon des sources. L'Eau des collines est une œuvre sombre, où la beauté des paysages provençaux sert de cadre à la tragédie des Soubeyran. Les sources, les puits, les rivières hantent les rêves de tous les personnages. L'eau, ce bien précieux entre tous, se présente alors comme le personnage principal. D'un côté, le " héros " de sombres drames, que les hommes se disputent parce qu'elle est source de vie, et d'un autre, le prétexte d'un hymne à la nature, à l'amour, d'un " chant général " à la mère nourricière. Au cœur de la Provence, une ferme très convoitée : celle des Romarins. Convoitée pour sa source, par César Soubeyran, dit le Papet (voir photo). En effet, son neveu, Ugolin, souhaite de tout son cœur cultiver des œillets. Mais pour y arriver, il faut faire disparaître le propriétaire, Pique-Bouffigue. C'est d'ailleurs après une bagarre avec le Papet et Ugolin que Pique-Bouffigue perd la vie. La ferme est donc livrée à elle-même. Mais pas pour bien longtemps. Jean de Florette, dit le bossu, fils de Florette, que le Papet a jadis aimée, hérite de la ferme. A cette nouvelle, le Papet et son neveu s'empressent de boucher, en cachette, la source des Romarins, supprimant ainsi toute possibilité de cultiver, donc de vivre. Mais Jean arrive le cœur rempli d'espérance et de projets : cultures, élevage de lapins,… Jean, sa femme Aimée, et sa fille Manon, ne connaissent évidemment pas le terrible secret du Papet et d'Ugolin. Ce dernier, suivant les instructions du Papet, a comme consigne de se faire passer pour l'ami des nouveaux arrivants, de gagner leur confiance, et de devenir ainsi, à l'avenir, la personne à qui Jean donnerait sa ferme. Jean accepte avec naïveté les services de ce " brave " Ugolin (voir photo). Les amis sont effectivement très rares : les villageois n'aiment pas les étrangers, encore moins un citadin, et qui plus est, bossu ! Jean travaille d'arrache-pied pour éviter que les cultures et l'élevage ne succombent à la sécheresse. En vain, Jean perd la vie des suites d'un accident causé par une explosion. Cette explosion, il l'avait imaginée pour trouver de l'EAU. Il se sera battu jusqu'à la fin. Sa mort contraint ses proches à laisser la ferme aux Soubeyran. Le jour de leur départ, le Papet et son neveu s'en vont redonner vie à cet enfer en débouchant la précieuse source, sous le regard meurtri de la petite Manon. Cette vision de cauchemar, elle ne l'oubliera jamais ! La terre des Romarins, en deuil du pauvre Monsieur Jean, assure désormais la richesse du dernier des Soubeyran. La fille du bossu, Manon, vite à présent dans une grotte à l'écart du village avec sa mère Aimée. Sa vie de bergère, édifiée sur des souvenirs brisés, est l'incarnation même de son père. Le village paisible a vu arriver des nouveaux étrangers qui ont été pour une fois accueillis par les habitants. Le nouvel instituteur, Bernard Olivier, intéressé par l'étude des roches, erre fréquemment dans les collines où il fait la rencontre du troupeau de Manon. Ce jeune homme plaît immédiatement à Manon, qui pourtant déguerpit à son arrivée. Au cercle des mécréants, les villageois évoquent la beauté étincelante de Manon filant devant le monde tel un " oiseau doré ". Ugolin décide de parcourir les sommets des collines dans l'espoir de rencontrer " l'oiseau doré des collines ". L'apparition de la petite fille des sources nue dans les petits creux d'eau, chantante et dansante, semblable à une divinité, le séduit. La petite fille a bien grandi depuis son enfance où elle tirait des cruches d'eau derrière une ânesse. A présent, Ugolin passe ses journées à poursuivre et à observer Manon. Cette fée, à la fois heureuse et mystérieuse, le plonge dans des rêveries de contes et de fables. Après de longues hésitations, Ugolin avoue au Papet son amour pour Manon. César est heureux que le dernier des Soubeyran songe enfin au mariage. L'instituteur parvient à approcher la fugitive et la complicité entre les deux êtres (voir photo) brise le cœur d'Ugolin. Dans son nouveau costume de riche chasseur, Ugolin crie son amour à Manon. Les pierres et les injures lancées par son bel oiseau poignardent la folie de son amour. A la suite d'une conversation entre villageois, Manon apprend que son père a été victime d'une monstrueuse farce. Dans ses collines, elle découvre la source alimentant le village de l'eau criminelle. La providence lui permet enfin de venger son père en bouchant cette source. La panique semée par la coupure d'eau réanime son cœur. Tremblante de plaisir, elle se rend au cimetière jouer une douce musique aux pieds de son père adoré. Lors d'une réunion au village, Ugolin lance à nouveau des mots tendres à la bergère dégoûtée par la ruse des Soubeyran et l'hypocrisie des villageois. Furieux de la faiblesse et de la naïveté d'Ugolin, César découvre son neveu, pendu à un arbre, laissant derrière lui tous ses biens à Manon. Devinant la manœuvre de vengeance de la petite orpheline, Bernard l'accompagne dans les collines pour délivrer la source du ciment. L'amour jaillit des deux êtres en même temps que l'eau de la fontaine. Lors des noces magnifiques de Bernard et Manon, le vieux Papet apparaît, fier et orgueilleux, à la sortie de la messe, allant en direction du cimetière. Le couple de jeunes mariés vit un réel bonheur soutenu par l'amitié du village. César apprend, de sa vieille amie Delphine que sa bien-aimée Florette attendait un enfant lors de son service en Afrique. La lettre où elle lui proposait une vie comblée par leur amour et leur enfant, s'est sans doute égarée. Cet enfant était le pauvre monsieur Jean. Au son des cloches de Noël, César Soubeyran s'étend sur son lit, prêt à mourir, avec entre les doigts une lettre adressée à Manon, sa petite fille. Alors qu'il s'éteint, seul sur son lit, le petit Jean entre dans la vie sous le regard protecteur de ses parents, Manon et Bernard. Le curé livre à la jeune maman la lettre de César Soubeyran, son grand-père (voir photo) ! Lutte pour la vie, drame d'un crime, conflit des cœurs purs et des âmes fortes, Jean de Florette nous dévoile tout cela d'une manière si simple et si puissante que l'émotion ne peut qu'être forte chez le lecteur. QUELQUES TRAITS DE CARACTERE - Une grande naïveté chez Jean : Il est persuadé de réussir. Il passe une grande partie de sa vie à convaincre sa famille qu'il parviendra à faire ses cultures et à élever ses lapins. Il y croit au plus profond de lui-même. En vain. Même s'il est citadin, il a une mentalité très paysanne. Cependant, à la différence des paysans, son éducation lui dicte de ne pas accepter la fatalité. Les gens des Bastides ont les mêmes problèmes d'eau que lui, mais contrairement à Jean, ils connaissent les pénuries et ne s'en inquiètent guère. - De la fierté aussi : "Que faire ? Il résolut de ne conserver qu'une dizaine de plantes et un rang de maïs, pour les semences de l'année prochaine. Peut-être, avec les rongeurs qui lui restaient, pourrait-il payer ses dettes, ou tout au moins une partie ? En tout cas, il se sentait vaincu et ridicule. Peut-être valait-il mieux retourner en ville, et s'installer derrière un guichet ? Non, jamais ! Jamais il n'avouerait sa défaite devant Ugolin, sa femme et sa fille ". Les personnages de cette histoire craignent que leurs voisins ne perçoivent leurs faiblesses. En effet, une grande partie du récit montre leur persévérance contre toutes raisons logiques. Exemple : Ugolin et le Papet passent environ trois ou quatre années à essayer de forcer Jean de Florette à abandonner ! - La mainmise du Papet sur Ugolin : Le Papet contrôle totalement la vie de son neveu. Ugolin ne prend aucune décision seul. Au fond, ce dernier ne veut de mal à personne, mais il suit aveuglément les instructions du Papet, qui, lui, est très fier et ne veut échouer en rien. - Et Dieu… : La foi est très présente dans la famille de Jean. Lui qui met tous ses espoirs en Dieu, il se sent finalement trahi par ce dernier : est-il puni pour sa bosse, pour sa défaite face à la nature ? - L'hypocrisie d'Ugolin : Un ami ne ment pas. Pourtant Ugolin se dit être l'ami de Jean et le mensonge fait partie de sa vie au quotidien. Quoi de plus écœurant ! - L'amour, tout de même : L'amour est très présent dans la famille. Il est solide et fort. Rien ne l'a jamais brisé, malgré les épreuves traversées. PASSAGE PREFERE : … " Je crois, dit-elle,
que nous ferions bien de rentrer…" Ce passage me touche beaucoup. Je le trouve émouvant, plein de désespoir et de foi en Dieu en même temps. Quelle contradiction ! Manon des Sources est un roman dans lequel l'eau est l'arbitre de la vie, un bien précieux qui hante et sacrifie les personnages. Elle agit le bien et le mal au fond des âmes des hommes. Le roman nous amène à une confrontation entre Manon et César Soubeyran qui se disputent la vie. César, poussé par son souci de la destinée de la famille et la peur de sa mort dans un sens, sera responsable du drame de l'histoire. Ce drame anéantira la vie de la petite orpheline et sa propre vie. Son âme, mangée par les péchés, ne parvient pas à se purifier à cause de sa fierté et de son orgueil. Cet homme est devenu une source asséchée par sa déception amoureuse, Florette. La souffrance de la petite Manon cèdera la place de l'amour à la haine et la vengeance. Le mal pénètre son âme. Confrontés à la souffrance, ces deux personnages, en définitive très proches l'un de l'autre, deviennent des sources infertiles et meurtrières. En libérant l'eau de ses ennemis, et donc en leur offrant la vie, Manon redevient un être d'amour. La vie conduit César Soubeyran au pays des morts où il pourra partager avec son fils le bonheur d'aimer à nouveau. Seul le héros les a sauvés de leur pourriture au goût de mort. La naissance du " petit Jean " donne l'espoir au lecteur que l'eau d'amour partagée entre la petite fille et son grand-père coulera dans les veines de ce petit Soubeyran.
PASSAGE PREFERE : … "C'est à la sortie, tandis que l'instituteur, sur le parvis, lançait aux enfants des poignées de pièces de dix sous, que le Papet surgit au fond de la place. Son bras gauche serrait sur sa poitrine une épaisse gerbe d'œillets blancs et rouges, et il descendit vers l'église. Il n'avait pas de canne, et l'on voyait bien qu'il faisait des efforts pour marcher d'un pas assuré. Cette arrivée parut surprenante à toute la compagnie. A cause de la beauté de son costume, et de son air solennel, on crut qu'il venait, en signe de réconciliation, offrir ces fleurs à la mariée, et qu'elle l'inviterait peut-être à la noce. Les courses et les cris des enfants cessèrent, tous se taisaient, immobiles et Manon inquiète et gênée serra le bras de son mari. Elle chuchota : " Je ne vais pas savoir que lui répondre… ". Mais le vieillard passa devant le groupe sans le voir, les yeux fixés sur l'horizon, et une lourde clef brillait dans sa main droite : c'était celle du cimetière. La noce muette le regarda descendre sur l'esplanade. Puis il s'éloigna sans se retourner, solitaire, unique, tirant la jambe et son chagrin, mais raidi dans on orgueil, et portant haut la dure tête du dernier des Soubeyran ".
LETTRE A MANON " Chère petite Manon, Le notaire des Ombrées te dira que je te laisse tous mon bien. Ca va t'étonner, mes cé la vérité devant Dieu. Il y a baucout de terres, et trois maisons. Le notère te donnera les papiers et tous les actes. Fait bien entention au petit mas de Massacan. Dans la cuisine, sous le lit, dis à ton mari de creuser. Juste au milieu, sous le malon du milieu. Il enlève le malon, et puis il casse le plattre. Après, il enlève deux pans de gravier, et il trouve un gros jaron entéré. Tout plein de louis d'or. Il y en a six milles. Cé le trésor des Souveyran, qu'il a commencer à la révolution, pour rester dans la famille. Mais cé pas pour toi : ça te sote par-dessus la tête, et cé pour ton enfant qui va naître, que cé mon reire petit-fils. Pasque ton père, c'était mon fils, mon Soubeyran, qui m'a tant manquer toute ma vie, et que je l'ai lessé mourir apetifeu, pasque je savais pas que c'était lui. Javé qu'à lui dire la source, et mintenant, il jourait encore l'armonicat, et vous seriés tous venu habiter dans notre maison de Famille. Aux lieux de sa, apetifeu. Personne le set, mé quand même j'ai honte devant tout le monde, même les arbres. Au village, il y a quelqu'un qui set tous, et si tu lui dis ma lettre, elle t'espliquera : cé Delfine, la vieille avegle. Elle te dira que tout ça, c'est la faute de l'Afrique. Demande lui. C'est l'Afrique. Demande-lui pour l'amour de Dieu ! Je me suis pas mériter de te dire que je t' ambrasse et j'ai jamais osé te parler mais peut-être que mintenant, tu peut me pardoné, et des fois faire une petite prière pour le povre Ugolin et le povre de moi, Même à moi je me fet pitié. Pense un peu que par malisse jamet j'ai voulu m'approcher de lui . Sa voix je l'ai pas connu, ne sa figure. Jamais de prêt j'ai vu ses yeux que peut être c'était ceux de ma mère et j'ai vu que sa bosse et sa pène, tout le mal que je lui ai fait. Alors tu comprends que je me languis de mourir pasque à côté de mes idées qui me travaille même l'enfer cet un délice. Et puis là-haut, je vais le voir j'ai pas peur de lui au contraire. Mintenant il set que c'est un Soubeyran il n'est plus bossu par ma fote , il a compris que c'est tout par bètise, et moi je suis sûr qu'au lieu qu'il m'attaque, il me défendra. Adessias, ma pitchounète,
Ma préoccupation première est-elle de vérifier que chacun autour de moi, ait tout ce qu'il lui faut pour vivre ? Comme ces paysans de l'Eau des Collines qui, pour ne pas s'attirer d'ennuis, ne font rien pour aider le pauvre Jean, j'ai l'impression de parfois me voiler la face. Pourtant, un jour, il faut regarder la vérité en face… La vie a donné à chacun de nous, hommes, femmes, enfants, petits ou grands, une source pure et rêveuse, logées au plus profond de notre être. Elle est presque transparente, alors l'homme oublie trop souvent son existence. La source risque alors de pourrir, de sécher et de mourir. Parce que l'être humain est par nature assoiffé de vie, il ne peut pas se contenter d'une évolution corporelle. Pour vivre pleinement, il doit se nourrir de l'intérieur. Les battements d'une vie ne sont pas uniquement le bruit minable du corps humain mais surtout la mélodie de cette source mystérieuse.
Capricieuse
dans ta jolie robe blanche,
François-Xavier Emmanuelli, Histoire de la Provence Hachette Littérature,
1980
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