Didactique des Sciences Biologiques
Centre Interfacultaire de Formation des Enseignants
Marie-Noëlle Hindryckx
Docteur en sciences biologiques, chargée de cours à l’Université de Liège.
Rapport d’évaluation du projet Climatic, au 26 janvier 2007.
Voici quelques commentaires réalisés en parcourant le site du projet « Climatic » au mois de janvier 2007.
Au niveau de la Bande Dessinée, cette partie semble bien au point et permet une exploitation multiple laissée au choix de l’enseignant dans sa classe : utilisation sur ordinateur, utilisation papier et activités qui en découlent (photolangage, par exemple). Le matériel est fourni, ainsi que les exploitations pédagogiques possibles, dans le détail.
Par rapport aux enquêtes, seule celle sur le bois est visible pour l’instant. Elle est bien pensée et complète au niveau didactique (questionnaire pour l’élève ; document pour l’enseignant guidant sa démarche, précisant les liens avec les programmes d’enseignement en Suisse…). On pourrait y ajouter des références aux programmes des autres pays impliqués, ainsi que des liens avec des ressources officielles liées aux pays : exemple pour la Belgique, le site de la Direction Générale des Ressources Naturelles et de l’Environnement – Région Wallonne. Ces documents pourraient servir de complément d’information pour l’enseignant et de documents ressources pour les élèves.
En ce qui concerne les stations météorologiques, malgré l’investissement des partenaires dans cette partie du projet avec les écoles, trop peu de résultats sont apparents sur le site. On a envie de savoir si les relevés sont significatifs et si des comparaisons de pays en pays sont possibles. A développer pour la suite.
Les liens entre le projet et les expéditions en cours vers les pôles sont plus apparents qu’au début du développement du site (photo d’Alain Hubert, liens vers la Fondation polaire internationale…). C’est vraiment un sujet d’actualité qui mérite qu’on s’y attarde avec les élèves. Peut-être accentuer encore ce « suivi de l’actualité » en faisant des sortes de « news » qui renverraient à l’actualité des différents pays ou internationale. Exemple, la sortie du film d’Al Gore « une vérité qui dérange » ; le dossier spécial du soir sur les changement climatiques, le départ D’A. Hubert pour une traversée de l’Arctique…
La partie concernant les pollens a suscité toute mon attention. Elle est très prometteuse et les parties actuellement cliquables sont très intéressantes. Cette mise en œuvre a dû demander un travail considérable, tant au niveau scientifique qu’au niveau du développement de la plateforme informatique.
La partie réaliste des activités de recherche (travail de terrain, sondage…) a disparu de la formule de développement proposée au début du projet au profit des travaux virtuels. Les travaux de recherche, de « terrain » et de « laboratoire » sont néanmoins très complets. On peut regretter l’absence d’illustrations réelles des activités menées sur le terrain et en laboratoire avec les élèves des différentes écoles partenaires. Ces informations et illustrations sont pourtant présentes, mais ailleurs sur le site, dans une partie réservée aux comptes-rendus des activités des écoles partenaires.
Pourquoi ne pas faire des liens entre le virtuel et le réel pour agrémenter et authentifier le laboratoire virtuel ? Par exemple, on pourrait voir le Collège Sainte Véronique (Liège, Belgique) lors de son expédition dans les Hautes-Fagnes entrain de réaliser un sondage sur tourbe, en regard des images de synthèse qui présentent la réalisation d’un carottage de tourbe.
Le laboratoire virtuel est encore en développement, mais le souci du détail, du réalisme et le respect de la démarche du scientifique, sont prédominants.
L’entrée en matière avec la présentation des fleurs et du pollen, la découverte de certaines essences, campe bien le travail.
L’idée maîtresse de pousser l’élève à se poser des questions et à essayer d’y répondre tout au long du travail est très intéressante. C’est tout à fait conforme à l’obligation légale (en Communauté française de Belgique) de travailler par compétences à développer chez les élèves, plutôt que de les guider pas à pas en agissant à leur place. (cf. Documents « socles de compétences » et « compétences terminales » ; Décret de la Communauté française de Belgique ).
On est bien ici dans une démarche d’apprentissage de type constructiviste : c’est l’élève qui est au centre de son apprentissage.
L’élève est aussi maître dans son cheminement dans les étapes à réaliser pour effectuer sa recherche. Les icônes proposant les outils mis à sa disposition sont clairement identifiées, mais la succession des étapes est laissée à l’appréciation de l’élève. Si l’élève oublie de « préparer » son échantillon au laboratoire, il verra une lame dans le champ du microscope, mais elle sera illisible, car sale. Un message le fait réfléchir sur les étapes à suivre pour préparer des lames de microscopie palynologique. Cela lui permet de remettre en question son cheminement sans pour autant le faire à sa place.
Le choix des échantillons à analyser est proposé de façon réaliste sur un sondage virtuel de grande taille. Les sondages comptés apparaissent sur la carotte et l’élève peut revenir à son travail à tout moment puisqu’il a un numéro d’utilisateur.
L’outil virtuel de microscopie est très bien pensé et hyperréaliste : la planche des pollens en regard du champ du microscope ; la possibilité de sélectionner puis de « zoomer » sur un grain de pollen à identifier ; l’accès par aller-retour à la clé systématique d’identification, si nécessaire ; le feed-back personnalisé à chaque grain déterminé ...
Le comptage palynologique demandé (50 grains par lame) est utile pour rendre un peu compte du côté laborieux du travail du chercheur, celui-ci compte souvent de 200 à 500 pollens par lame, et de l’aspect parfois varié de différents pollens d’une même espèce Mais 50 grains de pollen à déterminer par niveau quand on est novice, cela risque de prendre vraiment beaucoup de temps et s’envisage difficilement en classe avec les élèves. On peut peut-être alors décider de déterminer une seule lame en comptant 50 pollens puis, pour les suivantes, ne compter que 15 ou 20 pollens.
Une autre solution serait de permettre à plusieurs élèves constituant un groupe de travailler sur le même sondage et de diviser ainsi la tâche. On pourrait aussi laisser la possibilité à l’enseignant de fixer quelques paramètres : nombre de pollens à compter par lame ; nombre d’échantillons à traiter par sondage, nombre d’élèves par groupe… L’enseignant devrait aussi savoir quels sont les niveaux de sondage déterminants pour permettre ensuite une analyse pertinente des paysages contrastés.
Les paysages à recomposer en cliquant sur les espèces sont bien réalisés. On devrait pouvoir les stocker dans un diaporama de manière à les faire défiler en fin d’analyse pour voir les changements apparaître au fil du temps.
Restent les liens à établir avec les changements climatiques, ce qui n’est pas chose aisée…
Quelques paramètres climatiques présentés au bas des reconstitutions paysagères permettraient peut-être de guider efficacement l’élève.
La clé de détermination a vraiment bien évolué et permet même une utilisation en dehors de l’outil virtuel, lors d’un laboratoire classique de détermination. D’autres pays semblent même avoir traduit et adapté cette clé à la flore locale ! A suivre..
A propos de l’évaluation, différents outils sont prévus et certains sont présents sur le site : les outils d’évaluation des enseignants et des élèves utilisateurs après une activité. Ces outils reprennent les avis, les impressions des utilisateurs.
Il manque certainement une évaluation des apprentissages effectués par les élèves qui participent à une activité (quels sont les gains en terme d’apprentissage ?).
Il serait également intéressant de trouver ici les évaluations des concepteurs et partenaires du projet. Par exemple, au niveau des formations organisées pour les enseignants partenaires, quels sont leurs avis ? Au niveau de la construction des outils du site, que pensent les concepteurs ? Les utilisateurs ? Pourquoi les enseignants s’impliquent-ils dans un tel projet ?...
Il serait opportun d’ajouter aussi des statistiques de fréquentation du site et d’utilisation des outils par d’autres personnes à travers l’Europe que les partenaires directement impliqués dans le projet : qui a testé la BD ? Qui a utilisé la clé palynologique ?...
On m’a également demandé d’identifier quelques pistes qui font le succès de ce projet et qui seraient transposables à d’autres projets du même type.
Une clé importante est certainement le souci de convivialité de l’interface et des outils proposés (design du site, des outils…). Une autre est la clarté des démarches et des processus au niveau du fonctionnement du projet ; la visibilité de l’état d’avancement est pratiquement accessible à tous en temps réel.
Ne négligeons pas la connivence entre les partenaires du projet ainsi que le temps passé à se réunir dans un même lieu pour faire le point : les communications par médias ne suffisent pas toujours pour optimiser le travail de groupe.
Un autre point important est certainement la volonté de former les partenaires enseignants en faisant intervenir différents « experts » des domaines concernés ; cela évite au projet de fonctionner sur son « fond de commerce » et permet réellement de faire progresser tout le monde.
Cette volonté d’accompagner les partenaires enseignants est sans doute une source de motivation favorisant leur engagement dans le projet.
Le métier de l’enseignant est pris aussi en compte dans les outils proposés. Des références aux programmes et autres textes légaux apparaissent dans les fiches décrivant la démarche didactique proposée à l’enseignant (ex. : les enquêtes sur le bois).
La précision avec laquelle les outils sont rédigés et mis en ligne est impressionnante. Ceux-ci sont accessibles à tous, au niveau des concepts et procédures mis en jeu, mais restent néanmoins strictement scientifiques et réalistes (ex. : de la fleur au pollen et à sa détermination).
Enfin, on sent que la technicité informatique est au service du message scientifique et didactique et non l’inverse. C’est sans doute l’étroite collaboration entre les concepteurs et les programmateurs qui en est la cause.
Bonne continuation pour la fin du projet !
M-N Hindryckx